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Hommage à Bernard Ziegler. (5/5/2021).

5 mai 2021 / Chroniques du ciel


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Celui qui est à l’origine de la modernisation des Airbus est décédé ce mardi 4 mai 2021. Voyons en détail sa carrière dans cette chronique écrite pour www.aeromorning.com.

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Je suis avec Bernard Ziegler dans l’A340 Worldranger , petit casse croute sur l’un des rares sièges … dans l’avion allégé et dépouillé !

Lien

Pierre Baud; Bernard Ziegler et Gérard Guyot : retour du premier vol de l’Airbus A310.

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Ma chronique :

Hommage à Bernard Ziegler (sur www.aromorning.com)

Bernard Ziegler nous a quittés ce mardi 4 mai 2021. C’était un personnage emblématique, il était âgé de 88 ans, né en 1933 à Boulogne Billancourt. Fils d’Henri Ziegler, ancien patron de Sud-Aviation, à l’histoire riche en succès dans l’industrie aéronautique, et frère de Michel Ziegler, pilote et créateur de la société Air Alpes, et l’un des pères de l’aviation de montagne.

Bernard Ziegler Pilote et ingénieur, fut tout d’bord élève à l’Ecole Polytechnique (1954) , puis à l’Ecole de l’Air qui lui ouvrit la carrière de pilote de chasse. Après la Guerre d’Algérie, qualifié comme pilote sur chasseur F84F, il devient élève de l’Ecole Supérieure Aéronautique en 1961 (SupAéro), enfin il entre à l’EPNER, l’Ecole des Personnels Navigants d’Essais et de Réception et entre au Centre d’Essais en Vol, le fameux CEV, où l’une de ses tâches sera à compter de 1968 d’effectuer et de superviser pour l’Etat, comme chef pilote, les essais du Mirage III G à géométrie variable, développé par Dassault. Cette délicate mission lui ouvrira peu après les portes de la nouvelle Société Aérospatiale, ex Sud-Aviation, où il sera brièvement affecté au bureau d’études, puis nommé directeur des essais en vols du GIE Airbus Industrie. Il est copilote du premier prototype A300B au côté de Max Fischl, Romeo Zinzoni, et des ingénieurs Pierre Caneill et Gunter Scherer, pour son premier vol d’essais le 28 octobre 1972 (l’A300B, premier biréacteur gros porteur au monde mis en ligne en 1974), et conduira comme commandant de bord le premier vol de l’A310, plus petit et au plus long rayon d’action, capable de vols transocéaniques, (ETOPS) bien qu’il soit bimoteur, contrairement à tous les longs courriers jusqu’alors (B747, DC10, L1011 Tristar). Ainsi il effectue le premier vol d’essai de ce nouvel avion à Toulouse le 3 avril 1982 avec à son bord Pierre Baud, Gérard Guyot, Jean-Pierre Flamant et Gunter Scherer. Airbus tente alors de s’imposer , sur un marché « tout américain Â» composé de trois géants : Boeing, MC Donnell Douglas et Lockheed. Ses chances sont jugées nulles. Pourtant le consortium Européen rassemble les capacités allemandes, britanniques, françaises et belges, (et bientôt espagnoles) et possède à son actif plusieurs modèles de courts et moyens courriers, (comme la Caravelle), et surtout bénéficie du savoir faire franco-britannique acquis sur le Concorde, qui s’il n’est alors pas encore un succès ni un échec, (il sera mis en ligne en 1976) est un formidable laboratoire de technologies de pointes en aéronautique. Mais en ce temps là, on croit peu aux chances des petits européens de se faire une place dans ce monde industriel déjà très avancé. Il faut donc innover. Faire preuve d’imagination et de créativité.

Bernard Ziegler est un ingénieur et un pilote. Sur le modèle A310 il intervient sur le nouveau cockpit, (glass cockpit) prévu pour seulement deux pilotes, et d’où l’officier mécanicien navigant (OMN) a été exclu. Pour cause d’économie des équipages selon le souhait des compagnies aériennes. (sauf pour Air France qui aura des cockpit aménagés pour trois navigants techniques). Cette affaire du pilotage à deux ou à trois est pendant des années un sujet de polémique incessant en particulier et spécifiquement au sein de la grande compagnie nationale française Air France. BZ, comme on l’appelle va commencer à porter le « chapeau Â» de cette trahison de la corporation au nom de l’économie ! Sur Concorde, pour des raisons impératives, il avait été décidé d’installer des commandes de vol « Ã©lectriques Â». le pilotage très précis, le respect pointilleux des ordres aux gouvernes de vol devait passer par des calculateurs, analogiques, classiques pour l’époque, capables de pondérer les ordre des pilotes ou du pilote automatique. Cela donnait des résultats excellents. Et l’histoire a montré, une fois les supersoniques Concorde en vol, à compter de 1969 avec André Turcat et son équipe pour les essais, puis à compter de 1976, en ligne pour Air France et British Airways, que ce dispositif était d’un considérable bénéfice en matière de sécurité et de respect des capacités de la structure de l’avion et de ses moteurs. Du reste les militaires avaient sauté le pas, et s’en félicitaient, avec le chasseur américain F16, de General Dynamics, à CDV, commandes de vol électriques, et avec le chasseur multirôle français Mirage 2000 de Dassault Aviation. Ainsi, en 1984, Bernard Ziegler, devenu responsable du secteur pilotage du futur avion moyen courrier monocouloir A320 de 150 à 200 places a-t-il encouragé le choix d’utiliser des commandes de vol électriques, avec non plus des calculateurs de vol analogiques, mais numériques. On était entré dans l’ère informatique. Bien sûr avec nombre de nouveautés et d’aides au pilotage, nombre de sécurités programmées, l’avion serait piloté à deux, comme ses concurrents, américains en particulier, les Douglas DC9 et les Boeing B737 déjà anciens. Et comme le réclament les compagnies aériennes. En c’en serait fini des avions pilotés à trois, et même à quatre ou cinq du temps des Officiers Radionavigants, des Officiers Navigateurs et des Officiers Mécaniciens de vol. Bien sûr cela n’allait pas satisfaire les corporations concernées, et vouées à se reconvertir, ni par solidarité, les pilotes désormais seuls en charge de la totalité des opérations et systèmes des avions.

L’A320 lancé par le ministre des transports Charles Fiterman fut au départ décrié, tant il apportait de nouveautés, d’autant plus après qu’un avion d’Air France se soit écrasé lors d’un meeting aérien en Alsace à Habsheim. Ce ne pouvait être l’équipage, par principe, donc ce devait être l’avion, avec tous ses automatismes qui avait volé la place du troisième homme ….

Mais l’histoire fait loi. En peu d’années, l’A320 est devenu la coqueluche des compagnies aériennes, le best seller de ce qui est devenu la société Airbus, pour la gloire de ceux qui ont cru à Airbus, et de ses dirigeants comme Roger Béteille, Félix Kracht, Bernard Lathière, Jean Pierson, ces pionniers, qui ont rendu ses ailes à l’Europe, avec l’aide non négligeable des équipes de toutes les entreprises des pays du consortium et … de BZ. Peu après, Lockheed a cessé de produire des avions civils. Mc Donnell Douglas a été racheté et absorbé par Boeing. Demeurent deux géants face à face : Airbus et Boeing.

Car voyons les chiffres, l’A320 décliné en de multiples versions, (A319, A321, A318) puis en versions long courrier A321 LR et XLR, et corporate avec les AJ, est à ce jour l’avion à réaction, le jet qui s’est le plus vendu dans l’histoire (15600 commandés, presque 10.000 livrés !). 33 ans après sa mise en ligne il a détrôné le Boeing B737, qui, s’il est de conception ancienne fut une merveille, mais dont les records de ventes sont de loin battus. Et les technologies développées pour l’A320, en particulier découlant des commandes de vol électriques, numériques, avec leur mini manche de jeu vidéo, ont inspiré les Airbus A340, A330 et A 380 ainsi que le dernier fleuron, l’A350. Derrière ces succès il y a comme un air de BZ. Il ne faut pas l’oublier. Ce Cow-Boy d’Airbus avait son caractère, trempé, ne l’a-t-il pas écrit dans son ouvrage préfacé par Jean Pierson, les Cow Boys d’Airbus ?  Et moi je n’oublierai jamais notre tour du monde en Airbus A340, avec le « World Ranger ». Seul journaliste à bord, en direct sans cesse à la radio, entre le 16 et le 18 juin 1993, pendant le salon du Bourget, pour le vol le plus long jamais effectué par un avion civil. Avec Gérard Guyot, Pierre Baud, Jean Marie Mathios et Nick Warner. Nous avons réalisé ce vol autour du monde avec une seule escale à Auckland en Nouvelle Zélande, et parcouru 38 346 km en 48 heures et 22 minutes, soit à peine plus de 48 heures. (j’en ai tiré avec Gérard Guyot un ouvrage paru au Cherche Midi : World Ranger, le Tour du Monde en 48 heures. 1993).

Bernard Ziegler a achevé sa carrière au poste de Senior Vice President Engineering d’Airbus, jusqu’en 1997.Un pilote. Un ingénieur. Une famille d’aviateurs. Bon vol !

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Michel Polacco

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Notre livre avec Gérard Guyot : Le Tour du monde en 48 Heures. WorldRanger. 1993. Le Cherche Midi editeur.

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Les quatre pilotes du Worldranger Gérard Guyot, Nick Warner, Pierre Baud, Bernard Ziegler.

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Manche à gauche, mini ….

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Michel Polacco avec Pierre Baud et Bernard Ziegler en vol vers Auckland ….